Racontez votre présent, ici et maintenant et vous verrez que cela vous est impossible. Le mot a peine prononcé, il évoque déjà un temps passé. La parole est liée au temps, et ce lien est la mémoire. Nous sommes tous porteurs d'une mémoire individuelle, celle de nos expériences, et en tant qu'êtres sociaux, nous produisons ensemble une mémoire, celle d'expériences partagées. Chaque mémoire individuelle est un point de vue sur la mémoire collective et par ailleurs, c'est la mémoire collective qui fait exister la mémoire des individus. En lien permanent avec l'histoire, au point de lui être assimilée, la mémoire collective se nourrit également de mythologie mais aussi de manipulation et de déformation. Elle détermine ce qui doit tomber dans l'oubli. Ainsi souvent déformée, la mémoire conduit à l'amnésie... Pourtant il faut bien dire, se dire. C'est le point de départ de l'oeuvre de Christian Boltanski : se raconter. Porteuse de paroles et d'histoire(s) non pas de la vérité d'un fait, mais de l'avoir vécu, elle fait le lien entre le récit et l'indicible. La mémoire de l'un devient la mémoire de tous. Co-présence du je et du nous, le lieu de l'exposition fait disparaître toutes crispations antinomiques et ouvre à l'altérité. Ses objets, comme successions de mémoires sont des témoins qui attestent que le passé a été et qu'il est encore présent.